Une première enquête d’inventaire conduite sur la commune de Chenonceaux en 2013 avait permis d’étudier, entre-autres, l’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste et son mobilier. La découverte en 2019 de quatre tableaux dans les combles de la mairie, auxquels nous n’avions pas eu accès précédemment, a permis de compléter l’inventaire du mobilier communal.
Ces quatre tableaux religieux qui datent tous du XIXe siècle proviennent selon toute vraisemblance de l’église paroissiale et ont été déposés à la mairie à une date inconnue ; il est probable cependant que la dépose ait eu lieu au moment de la réfection de l’église en 1969. Le(s) commanditaire(s) de ces tableaux ne sont pas identifiés. Les toiles peuvent avoir fait l’objet d’une commande privée, ce qui conduit à penser immédiatement à Madame Pelouze, propriétaire du château entre 1864 et 1888 et qui, en 1865-1866, avait déjà fait totalement redécorer le chœur de l’église, avec une voûte peinte en bleu parsemée d’étoiles dorées.
Si cette hypothèse doit être envisagée, il faut également rappeler que la commande publique joue un rôle important dans le contexte artistique de l’époque en faveur de l’ameublement des édifices communaux. Malheureusement, l’absence de cartel ou d’étiquette apposée au revers de ces toiles ne permet pas d’identifier avec certitude un dépôt de cette nature. La consultation de la base Arcade recensant les œuvres d’art acquises, commandées ou gérées par l’État et les collectivités territoriales de 1800 à 1969, n’a pas donné de réponse positive ; cela ne signifie pas pour autant que certains de ces tableaux n’aient pas fait l’objet d’une commande publique.
Ce tableau est daté et signé en rouge dans l’angle inférieur droit : « A. De La Croix. D’après Ary Scheffer, Saint-Germain, 1874 » Il s’agit d’une copie à taille réelle du tableau exécuté par Ary Scheffer et acquis par le Louvre en 1855, qui lui-même était une répétition du tableau présenté au Salon de 1846, de plus grande taille, et conservé au musée de la Vie romantique à Paris . Un exemplaire daté de 1854 est également conservé à la National Gallery de Londres. L’exemplaire de de Chenonceaux mesure 130 cm de haut sur 97 cm de large.
Le tableau représente saint Augustin d’Hippone et sa mère sainte Monique de Thagaste qui vécurent au IVe siècle. La scène tente de restituer l’expérience spirituelle qu’ils partagèrent à Ostie, peu de temps avant la mort de sainte Monique.
Ce tableau anonyme a été exécuté au milieu ou au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Le traitement des mains et du regard de l’Enfant est à rapprocher de celui des personnages du tableau Saint Augustin et sainte Monique. Bien qu’il ne soit pas signé, il pourrait, par rapprochement stylistique, être attribué à A. de la Croix mais sans certitude. La composition offre une vue rapprochée des personnages. Seul l’Enfant Jésus, debout au centre de la composition, est vu en entier. La Vierge à sa gauche est figurée à mi-corps, de profil ; elle s’appuie sur son bras droit replié. A droite, Joseph est endormi. Les angles de la toile sont peints assez grossièrement en marron, de manière à donner l’illusion de coins en bois posés sur la toile.
La toile mesure 126 cm de haut et 105 de large et est encadrée par un cadre en bois à moulures plates rehaussées à la peinture dorée.
Ce tableau anonyme mesure 179 cm de haut et 123 cm de large. C’est une copie à taille réelle du tableau éponyme conservé au musée du Louvre, peint en 1518 par Jules Romain d’après une composition de Raphaël, à la demande de François 1er pour sa sœur Marguerite de Valois. Si vingt-trois copies du tableau du Louvre ont fait l’objet de commandes publiques au cours du XIXe siècle, on ignore si c’est le cas de celui-ci. Sainte Marguerite d’Antioche est représentée sous les traits d’une jeune fille, debout, foulant aux pieds le dragon qui l’avait avalée et dont elle sortit indemne. Cet épisode ne constitue cependant que la première étape de son martyre, comme le rappelle la palme qu’elle tient dans la main droite.
Cette toile ne présente pas de signature visible mais pourrait être signée sous le cadre ; celui-ci date du troisième quart du XIXe siècle. La toile mesure 145 cm de haut sur 95 cm de large. Ce tableau n’est pas documenté mais on connaît en revanche deux exemplaires figurant la même scène qui sont attribués au peintre Charles Zacharie Landelle1, élève de Paul Delaroche puis d’Ary Scheffer. En 1844 l’artiste reçoit une commande de l’État pour une toile représentant « La Sainte Vierge et les saintes Femmes au sépulcre ». Ce tableau est exposé au Salon des artistes vivants en 1845 puis envoyé à l’église paroissiale de Saint-Lieux-lès-Lavaur dans le Tarn. Cette œuvre de grandes dimensions (271 cm X 153 cm), endommagée, a été déposée au musée Vaurais de Lavaur. Un autre exemplaire de ce tableau est conservé au musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan ; il s’agit d’une commande de l’État passée en 1848 pour la somme de 600 francs. On ne connaît pas la date d’exécution de la toile de Chenonceaux. Malgré l’absence d’étiquette ou de cartel, on peut émettre l’hypothèse d’un dépôt de l’État. Par ailleurs, Landelle a repris cette composition dans plusieurs œuvres de petit format.
La scène représente le moment où la Vierge, accompagnée des saintes Femmes parmi lesquelles Marie Madeleine, figurée à sa gauche, se rend au sépulcre pour embaumer le corps du Christ. La Vierge tient la couronne d’épines et tourne son regard vers le ciel, en annonce de la Résurrection, tandis que les autres femmes affligées baissent la tête.
Ces quatre tableaux sont malheureusement en mauvais état. Celui représentant Saint Augustin et sainte Monique voit sa toile déchirée en plusieurs endroits. Le Repos pendant la fuite en Egypte laisse apparaître une déchirure horizontale qui traverse l’avant-bras de la Vierge. Les Saintes Femmes présentent une déchirure horizontale à droite au niveau du tronc de l’arbre. La toile du Sainte-Marguerite est légèrement coupée dans le coin supérieur gauche. S’ils ne présentent pas de dégradations irrattrapables, ces tableaux auraient cependant besoin d’être restaurés. Outre la reprise des déchirures et le nettoyage des toiles, un remontage des cadres doit également être effectué. Puisse cette redécouverte portée à connaissance du public contribuer à leur conservation.
Martine Lainé, chercheur au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire
(1) STRYENSKI, C. Une carrière d’artiste au XIXe siècle, Charles Landelle (1821-1908). Paris, 1911.
Consulter les dossiers d’inventaire de la commune de Chenonceaux.