Le clocher aménagé de Saint-Jean-Pierre-Fixte (Eure-et-Loir), logement du prêtre et mairie sous un même toit

Publiée le 18 mars 2019

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A quelques encablures au sud de Nogent-le-Rotrou et de son château des comtes du Perche se situe le petit village de Saint-Jean-Pierre-Fixte niché au fond de la vallée de la Rhône, un affluent de l’Huisne. L’église paroissiale Saint-Jean-Baptiste y est bien longtemps restée la principale construction avec l’ancien presbytère et la fontaine. Il faut attendre le XXe siècle pour que de nouvelles habitations soient construites. Implantée sur un site rituel païen – les vertus miraculeuses de la fontaine remonteraient à l’époque druidique (1) –, l’église, dans sa structure, date du XIIe siècle comme en témoignent les vestiges de baies romanes en partie obstruées dans les murs nord et sud. Dès cette époque, la paroisse dépend de l’abbaye de bénédictins Saint-Denis de Nogent. L’édifice, comprenant un chœur et une nef, est repris au XVIe siècle (vestiges de baies gothiques et réfection des charpentes). En 1622, le maçon Mathurin Peiller érige une tour-clocher qu’il flanque contre le pignon ouest de la nef (2). On y accède par une porte en plein cintre surmontée d’une niche accueillant une statue du saint patron.

Après la Révolution, la paroisse est réunie à celle de Trizay et le presbytère vendu comme bien national en 1796. Saint-Jean-Pierre-Fixte retrouve son autonomie cultuelle en 1843 et la tour-clocher va alors connaître un destin peu banal.

Face au manque de moyens financiers de la fabrique et de la commune pour construire un nouveau presbytère d’une part et une mairie d’autre part, et profitant des compétences en matière de bâtiment du prêtre, Joseph Adolphe Vidal, menuisier et ancien compagnon du Devoir, il est décidé – fait exceptionnel – d’aménager la tour-clocher pour y accueillir le logement du curé et la salle du conseil municipal. Pour cela, Vidal crée trois étages desservis par un escalier tournant contenu dans une cage en bois.

L’abbé appuie le premier étage sur la voûte d’ogives préexistante – cet étage est destiné à la salle du curé desservant. Elle dispose d’une cheminée, d’un potager (dispositif permettant la cuisson des aliments) sous une des deux fenêtres, de deux placards muraux et d’un cabinet (pour les ablutions) aménagé dans l’épaisseur du mur.

Le deuxième étage accueillait la salle de la mairie. Comme au niveau inférieur, une cheminée chauffe la pièce. Des placards sont également aménagés dans l’épaisseur des murs avec de grands tiroirs pour loger les documents grands formats comme le plan cadastral ancien et les matrices. La porte en bois blanc de cette pièce conserve une caricature d’un soldat réalisée au crayon.

Le dernier niveau est réservé à la chambre du curé desservant. Elle était chauffée par un petit poêle en fonte. Pavée de terre cuite, chaque pièce occupe une surface inférieure à 9 m2 utile (en tenant compte des placards et de l’escalier).

En 1904, la municipalité, trouvant le logement du curé « insuffisant et ne permettant pas à celui-ci de résider habituellement dans la commune » (3) , décide de lui louer la maison de garde-barrière du bourg, construite en 1885 et désaffectée au début du 20e siècle. Une mairie est construite face à l’église en 1956, date de son déménagement du clocher.

La tour-clocher et ses pièces ont été restaurées à la fin du siècle dernier et le mobilier reconstitué. Cette petite église de campagne, dont rien à l’extérieur ne laisse deviner son aménagement, possède l’un des trois seuls « clochers habités » de France. Ce fait peu commun est renforcé par la présence de la salle de la mairie à une époque où la république et l’église ne faisait pourtant pas bon ménage.

Florent Maillard, chargé de mission « Inventaire du patrimoine bâti » au Parc naturel régional du Perche et chercheur associé au service Patrimoine et Inventaire

(1) LEFEVRE, Édouard. Dictionnaire géographique des communes et hameaux, fermes, moulins, châteaux, maisons et chapelles du département d’Eure-et-Loir en 1856. Chartres : Société archéologique d´Eure-et-Loir, 2002 (fac-similé de l’édition de Chartres : Garnier, 1856).
(2) D’après les travaux historiques menés par François Guillon, instituteur à Souancé, érudit passionné d’histoire locale. La précédente tour-clocher, construite en 1619, s’était effondrée l’année suivante faute de fondations adaptées au sol spongieux.
(3) Archives départementales d’Eure-et-Loir, 4 Z 168. Église paroissiale, presbytère, cimetière. 1843 – 1910.


Pour en savoir plus sur le patrimoine de la commune de Saint-Jean-Pierre-Fixte :
– Les dossiers d’inventaire sont disponibles sur le portail de diffusion du service Patrimoine et Inventaire.

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