Redécouverte de Jean-Baptiste Fayon, un peintre de Château-Renault actif dans le nord-est de la Touraine dans les années 1820

Publiée le 26 mai 2023

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Lors des opérations d’inventaire, l’étude conjointe d’objets et d’archives permettent de documenter l’histoire de ces objets et, parfois de faire émerger des artistes oubliés. C’est le cas de Jean-Baptiste Fayon, peintre actif en Touraine dans les années 1820, à qui nous avons pu attribuer quelques œuvres.

Deux interventions à Villedômer mentionnées dans les archives

D’après les archives du château de Beauregard, à Villedômer, un peintre dénommé « Fayon » a réalisé, en 1825, des peintures de sujets allégoriques pour M. de Bures, le propriétaire de l’époque. Malheureusement, la partie du château dans laquelle il intervient n’existe plus aujourd’hui et les œuvres ont disparu.

Ce peintre serait déjà intervenu l’année précédente dans l’église de cette commune où « le tabernacle a été redoré en entier, le tombeau de l’autel et le sanctuaire repeint par Faillon peintre de Château-Renault1 ».

Des œuvres signées « Fayon » à Neuville-sur-Brenne et Chançay

Une huile sur toile, de forme rectangulaire, avec cadre doré (158 cm x 126 cm), représentant la Crucifixion2, a été observée dans l’église de Neuville-sur-Brenne, lors de l’inventaire du patrimoine de la vallée de la Brenne, en 2015. La représentation du Christ sur la croix, avec un paysage en arrière-plan, rappelle les Christ de François Girardon (1628-1715) ou d’Edme Bouchardon (1698-1762), dont les sculptures ont été abondamment reproduites sous formes de gravures. Malgré le très mauvais état de la toile, crevée en plusieurs endroits, l’inscription « FAYON PINX. 1827 » était lisible dans la partie inférieure gauche. Malheureusement, la destruction de cette œuvre, qui aurait pu être sauvée, a été constatée à l’occasion d’une nouvelle visite de l’église en juillet 2022.

La Crucifixion, conservée jusqu’en 2022 dans l’église de Neuville-sur-Brenne (Indre-et-Loire) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

En 1828, Fayon intervient à la demande de Thomas Valleteau de Chabrefy, propriétaire du château de Valmer, à Chançay, pour restaurer la chapelle construite en 1647 par Thomas Bonneau. Il y peint des scènes de la vie du Christ3 dans des cadres à motifs végétaux et quatre saints et saintes4 placés dans des fausses niches, le tout dans un décor architecturé. Un cartouche, au-dessus de la porte du mur sud, orné de blasons, porte l’inscription : « Aedificavit Thomas Bonneau anno 1647 restaurante Thomas de Chabrefy anno domini 1828 Fayon Pinxit ».

La communion des Apôtres, chapelle du château de Valmer à Chançay (Indre-et-Loire) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo.
Une attribution par comparaison stylistique à Reugny

L’église paroissiale Saint-Médard de Reugny conserve cinq panneaux en bois peints, figurant trois scènes de la vie du Christ5. La première scène (deux panneaux) représente le Recouvrement de Jésus au Temple, avec Marie et Joseph arrivant au Temple où Jésus enfant enseigne aux docteurs de la Loi. Une deuxième scène (deux panneaux) représente Marie Madeleine annonçant la Résurrection du Christ aux apôtres. La troisième scène (un panneau, la partie basse manquante) représente l’Incrédulité de saint Thomas avec le Christ ressuscité présentant ses plaies aux apôtres.

Marie Madeleine annonçant la Résurrection du Christ aux apôtres, église paroissiale Saint-Médard à Reugny (Indre-et-Loire) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo.

Une comparaison avec le tableau de Neuville-sur-Brenne et surtout avec les peintures de Valmer laisse à penser que ces panneaux pourraient être l’œuvre de Fayon : drapés des vêtements, doigts allongés, bras musculeux, regards, barbes et chevelures… L’origine de ces panneaux n’est pas connue et nous ne savons pas depuis quand ils se trouvent dans l’église de Reugny, mais ils pourraient constituer les vestiges d’un ancien autel. Dans cette hypothèse, rien ne prouve que cet autel se trouvait dans l’édifice. Les sujets iconographiques représentés (épisodes de la vie du Christ et saint Thomas) rappellent en effet ceux présents à Valmer : les panneaux peints auraient-ils été enlevés de la chapelle du château lors de sa transformation en salon à la fin du XIXe siècle6 ?

Jean-Baptiste Fayon, un peintre inconnu

Lorsqu’il intervient dans l’église de Villedômer en 1824, il est mentionné comme habitant à Château-Renault, information confirmée par un document antérieur qui nous donne des précisions sur son identité. En 1821, la commune de La Ferrière met en adjudication des travaux pour lesquels « le sieur Jean Baptiste Fayon peintre demeurant ville de Château-Renault7 » n’est pas retenu.

Afin de tenter d’en savoir plus sur ce peintre nous avons consulté le plus ancien recensement de la commune de Château-Renault daté de 18368, malheureusement les patronymes « Fayon » ou « Faillon » ne figurent pas sur la liste nominative ce qui indique, qu’à cette époque, il n’y est plus présent. Afin de vérifier son éventuel décès (après 1828, époque où il intervient à Valmer) nous avons consulté le registre des décès de Château-Renault pour la période 1823-18329 et les tables décennales de la période 1833-184210 : malheureusement ces recherches n’ont rien donné. Le peintre a-t-il quitté Château-Renault pour s’établir ailleurs ?

La découverte d’autres archives ou d’autres œuvres signées par ce peintre, actif dans le nord-est de la Touraine dans les années 1820, permettront peut-être un jour de mieux connaître cet artiste local tombé dans l’oubli…

 

Arnaud PAUCTON, chargé d’études inventaire du Patrimoine au Pays Loire Touraine et chercheur associé au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire.

1 Archives départementales d’Indre-et-Loire (ADIL), 2 O 276. Extrait de comptes de l’année 1824. Il est vraisemblable que ce « Faillon » et le « Fayon » évoqué précédemment soit la même personne.

2 Dossier consultable en ligne : https://patrimoine.centre-valdeloire.fr/gertrude-diffusion/dossier/tableau-la-crucifixion/1b22f0de-d76f-4ad2-b400-c4e7b096b88f

3 La Nativité, avec la Vierge, saint Joseph et l’Enfant-Jésus accompagné de six personnages (bergers, femmes, enfant) ; la Communion des Apôtres, qui diffère des représentations traditionnelles de la Cène ; la Déploration du Christ ; la Résurrection, avec le Christ sortant du tombeau provoquant la surprise et la peur d’un soldat romain ; l’Ascension, avec le Christ s’élevant au-dessus des apôtres.

4 Saint Thomas tenant une lance rappelant son supplice et un livre (saint patron de Thomas Bonneau et Thomas Valleteau de Chabrefy) ; sainte Anne avec la Vierge (en l’honneur d’Anne Pallu épouse de Thomas Bonneau ?) ; sainte Catherine tenant la palme du martyre et la roue brisée à ses côtés (en l’honneur de Catherine de Bueil plus ancienne propriétaire connue en 1434 ?) et saint Christophe portant Jésus enfant sur ses épaules.

5 Dossier consultable en ligne : https://patrimoine.centre-valdeloire.fr/gertrude-diffusion/dossier/ensemble-de-3-tableaux/ee759e9d-2ee8-4edd-90b8-f42e728c88e3

6 Vers 1890, Paul Lefebvre fait réaménager l’ancienne chapelle troglodytique bénite en 1529 et transforme celle construite en 1647 en salon.

7 ADIL, 2 O 106. Procès-verbal d’adjudication du 16 décembre 1821.

8 ADIL, 6NUM5/063/001 (consultable en ligne).

9 ADIL, 6NUM2/063/006 (consultable en ligne).

10 ADIL, 6NUM2/063/007 (consultable en ligne).

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