50 ans de photographie documentaire professionnelle en Région Centre-Val de Loire

50 ans SPI 50 ans du SPI Professionnel du patrimoine Professionnel du tourisme Enseignant

En cinquante ans de photographie à l’Inventaire général du patrimoine culturel en Région Centre-Val de Loire la plus importante collection d’images sur le patrimoine en région, riche de quelques 210 000 clichés.

Façade antérieure d’une maison romane à Villefranche-sur-Cher (Loir-et-Cher) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Jean-Claude Jacques, 1972

C’est en 1972 que fut créé le service régional de l’inventaire dans notre région, à l’époque où apparaissait le mot patrimoine pour désigner ce que, précédemment, on nommait les richesses artistiques de la France.
Et des richesses, notre région n’en manque pas !
Châteaux, bien sûr, cathédrales, ouvrages d’art et autres joyaux architecturaux nous viennent immédiatement à l’esprit lorsqu’on évoque le Val de Loire, mais, et c’est ce qui fait son originalité, l’Inventaire étudie le patrimoine matériel dans tous les territoires, dans toute sa grande diversité et sans a priori, du plus prestigieux au plus modeste, de la « cathédrale à la petite cuiller ».

Ainsi, ont été photographiés durant ces cinquante ans, manoirs, fermes, églises, chapelles, granges, puits, lavoirs, statues, caves, remparts, charpentes, pigeonniers, aqueducs, maisons, canaux ainsi que des objets tout aussi divers, orfèvrerie, outillage, matériel médical, scolaire, trophées, bannières, tableaux, vitraux mais aussi des ouvrages menacés de ruine ou de destruction. Cette liste, non exhaustive, forme un ensemble qui, une fois passé sous l’appareil critique des chercheurs spécialisés en histoire de l’art et de l’architecture, dessine les contours de notre bien commun, notre patrimoine culturel.

Dès sa création, l’Inventaire a associé les photographes professionnels à l’entreprise de connaissance du patrimoine. La photographie fut désignée comme un élément indispensable à sa description, sa documentation, sa compréhension et sa diffusion. Vingt-et-un photographes professionnels, stagiaires ou apprentis, se sont ainsi succédés ou se sont côtoyés durant ces cinquante années, en étroite collaboration avec les chercheurs.

Chercheur et photographe forment un binôme où l’échange et le dialogue sont indispensables à la réussite d’une bonne photo d’inventaire. Car il n’est de bonne photo qui n’ait été faite sans une compréhension de son sujet. La photographie d’Inventaire est une image documentaire et le photographe décrit le sujet, avec un minimum de clichés, de la manière la plus complète et la plus objective possible : il ne l’interprète pas, délaissant tout effet de style, tout artifice esthétique.

Cette collection de photographies documentaire soigneusement conservées immatriculées, légendées, constitue ainsi elle-même, un patrimoine, avec, de prime abord, son esthétique propre : le « style inventaire » !
En fait, cette photographie doit répondre à quelques prescriptions simples : en adoptant un point de vue et une lumière naturels, le sujet doit être visible, reconnaissable et, si possible, entier tout en respectant son authenticité, c’est-à-dire en restituant ses couleurs, ses volumes et ses lignes sans déformation.
Dépourvue de tout artifice, cette photo est une simple image objective de l’objet.

Mais faire une photo simple n’est pas si simple, cela réclame une grande rigueur ainsi qu’une bonne maitrise des techniques et du matériel photo.
Le matériel doit être à la hauteur de ces exigences. Ainsi, pour faire face à la grande diversité des sujets, les photographes disposent d’un équipement de qualité professionnelle très complet. Chargé dans une camionnette spécialement aménagée, appareils photos, pieds, flashes, parapluies, réflecteurs, fonds, boites à lumière, accessoires divers permettent de faire face aux particularités que pose chaque « problème » que présente le terrain.

Mais le matériel principal du photographe du patrimoine, c’est le temps…
Il faut avoir pris son temps avant d’appuyer sur le déclencheur de l’appareil photo.
Le temps de recevoir les informations que donne le chercheur. Le temps de comprendre le sujet, comment il s’articule, se développe dans l’espace, comment il joue avec ce qui l’entoure. Regarder, longtemps. Le temps de tourner autour du sujet. Le temps de choisir son point de vue, l’angle qui offrira la meilleure compréhension des volumes, y installer son pied photo. Eviter les éléments qui masquent une partie du sujet, si possible déplacer tout ce qui gêne la lecture ou la composition de l’image. Fixer son appareil sur le pied. Cadrer avec soin en respectant les perspectives naturelles et éviter les pièges des illusions d’optique. Choisir sa lumière, installer des flashes ou attendre qu’un nuage passe, attendre encore, le bon moment, la bonne lumière. Choisir les réglages. Regarder, encore. Déclencher.
Faire une photo documentaire demande du temps. Mais que sont quelques minutes prises pour photographier, sans le trahir, un monument qui nous attend depuis des siècles, parfois ?

Séance de prise de vue photographe/chercheur à Limeray (Indre-et-Loire) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Héléna Bouguet, 2022

Puis viendra le temps, long lui aussi, du traitement de l’image, de son indexation, de sa conservation.

Cachée derrière son apparente simplicité, la photo documentaire répond à plusieurs exigences, parfois contradictoires. Tout d’abord, elle doit offrir au lecteur une visibilité et une compréhension claire du motif. Elle doit répondre à la demande du chercheur et correspondre à ce qu’il a observé sur le terrain. En prenant place dans le dossier d’Inventaire, elle doit en compléter, le plus pertinemment possible, le descriptif écrit et, parfois, elle révèle de l’œuvre photographiée, par le truchement du regard expert du photographe, un aspect, un détail, un qui n’était peut-être pas visible sur le terrain. Enfin, la bonne photo, fût-elle documentaire, n’en néglige pas pour autant ce qui fait la qualité de toute photographie : une composition efficace.

Usine de chaux et cimenterie du Picardeau, puis Éts. Poliet et Chausson à Beffes (Cher), actuellement cimenterie Calcia. Vue de l’usine depuis le nord : à gauche, les ateliers de broyage du ciment ; à droite, le silo de stockage du clinker © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo, 2022

C’est là, dans ce dernier aspect, que se cache le plus sûrement, mais avec beaucoup de discrétion, la personnalité du photographe. C’est dans cette confrontation entre l’image efficace et la « belle image » que se jouent les tensions, les réflexions, les doutes que le photographe de l’Inventaire du patrimoine porte sur sa pratique. C’est dans ces questionnements qu’il a fait évoluer le « style » de cette photo particulière. Car, loin d’être figée, la photographie d’Inventaire ne cesse de s’interroger, de se renouveler. Ainsi, le fonds photographique de l’Inventaire du patrimoine culturel offre une traversée esthétique sur cinquante ans d’histoire de la photographie documentaire !

Gageons que la technologie, notre rapport à l’image toujours changeant, les modes et les coutumes, les volontés politiques de connaissance et de transmission sur notre patrimoine façonneront encore la pratique de la photo d’Inventaire pendant les cinquante prochaines années. Au moins.

Thierry Cantalupo, photographe au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire

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