Quand l’inventaire passe…du patrimoine on conserve une trace !

Publiée le 27 février 2019

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« L’histoire de l’Inventaire général est rythmée, on le sait, par un va-et-vient entre deux modes d’approche. L’un a pour but d’accélérer la couverture d’un territoire que l’on sait immense : il répond à la situation d’urgence créée par les mutations, transformations ou destructions qui mettent en péril le patrimoine. L’autre vise à conduire des études, monographiques, collectives ou thématiques destinées à approfondir les connaissances1 . »

Ce premier temps de l’urgence auquel faisait face le patrimoine ancien dans le contexte de pression immobilière d’après-guerre – quand il n’a pas tout simplement disparu dans les bombardements de la Seconde Guerre mondiale – a été décisif dans l’argumentaire produit au début des années 1960 par André Chastel, historien de l’art, pour défendre la création d’un Inventaire général du patrimoine auprès du ministre des Affaires culturelles de l’époque, André Malraux.
En effet, comme l’explique André Chastel : « Quand une chapelle, une maison intéressante, un ouvrage ancien, sont menacés de destruction, des amateurs avertis, des gens de goût cherchent désespérément à le « sauver », d’autres se proposent d’en recueillir les débris ; rares sont ceux qui songent à fixer les caractéristiques et leurs images2 . »

Cliquer pour agrandir. Vue aérienne de la prison prise dans les années 1960 (?) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Fonds Henrard

C’est là l’un des rôles attribués à l’Inventaire général du patrimoine culturel : conserver des traces d’un patrimoine devant disparaître. A l’occasion d’opérations dites d’urgence, les chercheurs et les photographes de l’Inventaire se déplacent pour réaliser une enquête et une campagne photographique sur l’édifice. Si la première peut être rapide et donner lieu à des recherches minimales, la seconde se veut la plus complète possible pour donner à voir le monument au public.

En 2018, le service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire a mené deux opérations d’inventaire d’urgence sur le territoire de la commune d’Orléans : dans l’ancienne prison en juin 2018 (située au nord du quartier de la gare) et dans l’ancien centre nautique de La Source en juillet 2018. Le premier édifice, très représentatif de l’architecture pénitentiaire du 19e siècle mais ne répondant plus aux besoins d’une prison moderne, a été remplacé par un nouvel établissement situé sur la commune de Saran. Le site de l’ancienne prison a été racheté par la Ville d’Orléans en novembre 2018 et les bâtiments ont commencé à être détruits en janvier 2019. Un centre aqua-ludique doit y être construit (livraison prévue en 2020). Le centre nautique de La Source, quant à lui, posait des problèmes d’isolation thermique très importants et des difficultés d’accès pour les personnes à mobilité réduite. Une réhabilitation de l’architecture en place, labellisée patrimoine du XXe siècle en 2016, n’étant pas envisageable, celle-ci a été détruite en juillet 2018. Le nouveau bâtiment, inspiré de l’ancien, devrait être livré avant la fin de l’année 2019.

Cliquer pour agrandir. Façade principale du centre nautique d’Orléans-La Source. Le passage des engins de chantiers est déjà visible © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

La particularité de ces deux missions tient au fait qu’elles ont été organisées dans des bâtiments désaffectés depuis plusieurs mois ou années, vidés presqu’entièrement de leur matériel. La médiation d’usagers peut devenir essentielle, ainsi qu’un recours à une documentation minimale. Pour la piscine, la lecture des espaces était assez simple bien qu’ils aient déjà été très modifiés. En revanche, dans la prison, la visite menée par un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire en début de journée a été essentielle dans la compréhension du site.

De même, le travail du photographe est compliqué pour différentes raisons. Dans le cas de la prison, le problème venait du fait que le bâtiment, désaffecté depuis presque quatre ans au moment de la campagne de prises de vue, s’était détérioré, notamment, par l’intrusion de pigeons au sein des bâtiments.

Cliquer pour agrandir. Aile ouest de la prison portant les traces de l’intrusion des pigeons © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

Au centre nautique, les bassins vides, désormais protégés par des barrières de chantier pour prévenir les chutes, donnaient aussi une toute autre vision de l’édifice avec laquelle le photographe a dû composer.

Enfin, ces opérations dites « d’urgence » se révèlent parfois particulièrement bien nommées. Comme ça a été le cas lors de la campagne photo du centre nautique d’Orléans-La Source qui, ayant débuté dans la matinée, s’est achevée en fin d’après-midi, alors que les pelleteuses avaient entamé leur travail de démolition, nous privant de l’ultime cliché prévu qui voulait saisir, depuis la rue, la vue de l’ensemble du site.

Florence Cornilleau, chercheur au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire

1- FRANCE. Ministère de la Culture et de la Communication. Principes, méthode et conduite de l’Inventaire général du patrimoine culturel. Réd. Xavier de Massary et Georges Coste. Paris : Inventaire général, 2007, p.41. [1er février 2019].
2- Cet argumentaire est d’abord exposé dans un rapport ayant donné lieu à la publication d’une plaquette présentant cette nouvelle mission créée en 1964 : L’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Paris : Imprimerie nationale, [1964], p.13.

Retrouvez les dossiers d’inventaire de la prison d’Orléans et du centre nautique de La Source sur le portail de diffusion du service Patrimoine et Inventaire.

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