Focus sur le patrimoine de la Reconstruction à Gien (Loiret)

Publiée le 21 août 2023

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Une étude sur le patrimoine bâti après la Seconde Guerre mondiale dans les villes du Val de Loire est menée par la Région Centre-Val de Loire depuis plusieurs années. En 2022, « La Manufacture du Patrimoine »1 a été missionnée pour réaliser l’inventaire du patrimoine reconstruit à Gien. Les résultats de ce travail sont désormais disponibles en ligne sur PERCEVAL – Patrimoine en Région Centre-Val de Loire.

Le contexte historique (2)

A la veille de la guerre, Gien est une sous-préfecture de près de 8 500 habitants. Riche d’un important patrimoine historique, son caractère touristique est déjà reconnu. En juin 1940, la ville est bombardée dans le contexte de l’invasion allemande. Au cours des incendies qui font suite, près de 5 hectares au centre de la commune sont détruits de part et d’autre du pont, et particulièrement dans la zone commerçante située en contrebas du château. Alors que la ville comptait 1 591 maisons et immeubles d’habitation avant-guerre, 375 sont entièrement détruits et 180 sont endommagés. Des édifices publics (hôpital, école, gendarmerie), mais aussi religieux sont également touchés. On dénombre aussi des victimes civiles, Giennois comme réfugiés de passage.

Gien, comme d’autres communes du Loiret, est déclarée sinistrée par faits de guerre dès le 26 juillet 1940. Dès lors, ses élus doivent s’engager dans la rédaction d’un plan de reconstruction et d’aménagement (PRA), tout en prenant en charge l’hébergement d’urgence des sinistrés. Ce document, dont le formalisme est dicté par les lois Cornudet de 1919 et 1924, doit permettre de dresser le plan des quartiers à reconstruire, mais doit également prévoir le développement de la ville pour les décennies suivantes. A Gien, c’est l’architecte et urbaniste André Laborie (1899-1979) qui est choisi par le maire, le Dr. Pierre Dézarnaulds, pour conduire ce travail.

 

Avant-projet par André Laborie du plan d’aménagement de la ville de Gien (Loiret). Vers 1940 (conservé aux Archives municipales de Gien) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Margaux Trouvé/Guillaume Métayer

Laborie définit donc ce que sera la reconstruction de Gien en délimitant différentes zones, dont une « zone historique et pittoresque » à l’emplacement des quartiers détruits de part et d’autre du pont. Celle-ci est destinée à recevoir un habitat dense, des commerces et services administratifs3. L’un des enjeux étant lié aux conditions de circulation, le plan prévoit que les tracés de certaines voies soient rectifiés et que d’autres soient créées. Laborie dessine également le projet d’une place de tête de pont, située au débouché nord de celui-ci, ainsi qu’un cheminement piétonnier, dit chemin touristique, afin de relier cette nouvelle place au château. En matière de services publics, la reconstruction de l’hôpital et de la gendarmerie est prévue au nord du centre-ville, au cœur duquel l’édification d’un centre administratif est envisagée. Enfin, des règles sont définies pour la reconstruction des édifices à proximité du château : matériaux traditionnels, pente et hauteur des toitures limitées, ordonnancement architectural pour les immeubles bordant la place nouvelle. Le contexte de l’occupation ne permet toutefois pas le démarrage des chantiers.

En 1944, les bombardements alliés occasionnent de nouveaux dégâts conduisant à l’élaboration de modificatifs au premier plan de reconstruction et d’aménagement. Les chantiers de reconstruction s’échelonnent, quant à eux, entre 1946 et le début des années 1960 dans le centre-ville.

Une architecture régionaliste ?

L’étude de 2022 avait pour objet de caractériser l’architecture produite pendant l’époque de la Reconstruction à Gien4. Elle a notamment permis de montrer que, contrairement à d’autres chantiers du Val de Loire (Tours ou Orléans par exemple), les édifices construits ne sont dessinés que par un petit nombre d’hommes de l’art, dont une majorité est installée localement. Ainsi, à l’exception notable de deux Parisiens (Henri Delval et Roger Nédonchelle), ce sont des Giennois (Maurice Bertrand, Eugène Chollet, André Boilloz et Camille Brochet) qui se répartissent l’essentiel des chantiers. Ces hommes et les quelques autres architectes à l’œuvre travaillent tous sous la houlette de l’architecte en chef André Laborie.

Vue du front de Loire de Gien (Loiret) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Vanessa Lamorlette-Pingard

 

L’étude a également permis de souligner la variété des formes et des matériaux employés sur les façades principales. On peut ainsi constater une importante utilisation de la brique se concentrant, même si on la retrouve ailleurs, aux abords de la rue Gambetta et de la place du Maréchal Leclerc, soit en contrebas du château. On trouve également davantage de pierre de taille sur le front de Loire, quand les façades recouvertes d’enduit sont principalement concentrées à la périphérie du secteur reconstruit.

De même, dans la partie très centrale située entre la Loire au sud, le château au nord, la place du Général de Gaulle à l’ouest et la place Saint-Louis à l’est, on constate la présence de motifs typiques de l’architecture de la Reconstruction à Gien inspirés notamment de l’architecture du château Renaissance : les tours d’escalier demi-hors-œuvre et les dessins de losanges ou de croix de Saint-André polychromes. Si les matériaux choisis et leur mise en œuvre peuvent donc conférer un caractère régionaliste à l’architecture reconstruite à Gien après la Seconde Guerre mondiale, celle-ci n’en est pas moins une architecture de son temps qui fait entrer le confort moderne dans les logements avec la création de pièces d’eau, puis du chauffage central, etc., à l’instar de ce qui est fait à la même époque à Tours, Blois ou Orléans.

Florence Cornilleau, chercheure au service patrimoine et inventaire de la Région Centre-Val de Loire

1 L’équipe-projet était constituée pour « La Manufacture du Patrimoine » de sa co-directrice Stéphanie Guilmeau, chef de projet, et de deux chargés d’étude, Guillaume Metayer et Margaux Trouvé. Leur étaient également associés comme co-contractants Hugo Massire (docteur en histoire de l’art) au titre de conseiller scientifique, ainsi que Amayranni Zarate Altamirano (chercheure spécialisée en histoire de l’architecture) en tant que chargée d’étude.

2 Pour davantage de détails sur l’historique de la reconstruction de Gien, voir le dossier de synthèse « Secteurs urbains de la Reconstruction de Gien ».

3 Archives nationales. 19800268/152. Gien. Périmètre de reconstruction. Arrêtés de plans. Dossier administratif et cartes. 1943-1968.

4 Voir notamment le dossier en ligne sur les « Immeubles et maisons de la Reconstruction de Gien ».

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