Le château de Frazé a été étudié dans le cadre de l’inventaire du patrimoine bâti de la commune éponyme d’Eure-et-Loir. Cet édifice majeur de l’architecture seigneuriale du Parc naturel régional du Perche s’inscrit dans un site verdoyant et vallonné des plus pittoresques. Bien documenté par les archives et étudié par des historiens locaux, le château fait l’objet d’un dossier d’inventaire complet mis en ligne sur le portail des patrimoines de la Région Centre-Val de Loire.
Placés au sud de l’ancienne basse-cour, les communs consistent en deux bâtiments alignés. Leur fonction initiale reste inconnue. Un ancien propriétaire du château, Dulong de Rosnay, les a fait réaménager à la fin du XIXe siècle en écuries à boxes et sellerie (partie ouest) et remises à voitures (partie est). Pour cela, il a fait procéder à des reprises de maçonnerie en sous-œuvre tout en conservant les charpentes. Une expertise dendrochronologique (datation du bois par l’étude des cernes) a permis de situer leurs constructions aux années 1514-1515 pour la partie ouest, aux années 1576-1577 pour la partie est.
Ces deux exemples illustrent les deux principaux types de charpentes construites au XVIe siècle :
– Les charpentes dites à chevrons formant fermes : les chevrons en vis-à-vis de chaque rampant sont reliés entre eux au niveau du faîtage et par un faux-entrait (pièce horizontale). Cet ensemble forme ainsi un « triangle indéformable » appelé ferme. Les fermes se répètent tous les 60 cm et servent de support à la fixation des liteaux permettant la pose des ardoises ou des tuiles.
– Les charpentes dites à fermes et à pannes : les fermes, beaucoup moins nombreuses mais plus robustes, supportent un ou plusieurs rangs de pannes soutenant elle(s)-même les chevrons dont la section peut alors être amoindrie. Ce principe constructif est bien moins consommateur en bois.
De dimensions assez importantes (27 m de long pour 9 m de large), elle est coiffée d’une charpente à quatre fermes comprenant arbalétriers, poinçon long, entrait et deux faux-entraits. Deux rangs de pannes latérales ainsi qu’une faîtière et une sous-faîtière reliées entre elles par une croix de Saint-André assurent un bon contreventement – c’est-à-dire qu’elles rigidifient l’ensemble et permettent une bonne stabilité face aux contraintes latérales. En partie basse, les chevrons sont tout de même reliés à une sablière basse par un système de blochets et de jambettes.
Homogène, cette charpente n’a connu aucune modification au cours du temps.
Affichant des dimensions plus importantes (quasiment 34 m de long pour toujours 9 m de large), elle possède une charpente comprenant sept fermes principales et 42 fermes intermédiaires. Les fermes principales, plus robustes, sont reliées entre elles par un système assez complexe de croix de Saint-André assurant le contreventement.
Contrairement à l’exemple précédent, la charpente a été remaniée au début du XVIIIe siècle (présence de pièces de bois provenant d’arbres abattus entre 1699 et 1711). De même, les travaux de restauration de la fin du XIXe siècle ont provoqué quelques changements : création des lucarnes et des croupes, renforcement global et chaînage métallique (tires-forts).
Contrairement à la chronologie la plus souvent observée qui veut que les charpentes les plus anciennes soient à chevrons formant fermes, notre exemple est ici le plus récent. Compte tenu du rang social du commanditaire, le seigneur de Frazé, le critère économique ne peut être retenu pour l’option choisie. La fonction du comble a très probablement été déterminante dans le choix du type de charpente : du fait de l’absence de bois transverses, les chevrons formant fermes libèrent l’espace et facilitent la circulation à l’inverse des fermes à pannes.
Florent Maillard, chargé de mission « Inventaire du patrimoine bâti » au Parc naturel régional du Perche