Itinéraire d’un travail original alliant patrimoine et modernité.
Dans le cadre de la thématique de recherche sur les fonds d’ateliers de peintres-verriers établis en région Centre-Val de Loire, le Service Patrimoine et Inventaire publie en 2019 un ouvrage restituant les résultats de l’étude consacrée au fonds d’atelier du peintre-verrier Jean Mauret né en 1944.
Le travail de cet artiste s’articule autour de deux axes principaux : la restauration de vitraux anciens (plus de 300 églises) et la création de vitraux contemporains (128 églises), essentiellement pour des édifices protégés au titre des Monuments historiques. Parallèlement, il réalise quantité d’œuvres personnelles. Au tout début des années 1980 il réalise un travail singulier, la création de vitraux destinés à accompagner des vitraux du XVe siècle pour la crypte de la cathédrale de Bourges. Ce travail est l’aboutissement d’une longue réflexion conduite par l’administration des Monuments historiques.
La question de l’intégration de fragments de vitraux anciens dans une création contemporaine a longtemps constitué un problème délicat. A Bourges (Cher), la présentation des vitraux du XVe siècle provenant de la Sainte-Chapelle du duc Jean de Berry que l’on se propose de mettre en place dans la crypte de la cathédrale Saint-Etienne après la Seconde Guerre mondiale illustre particulièrement bien les difficultés rencontrées. Les éléments de vitraux anciens figurant des grands personnages debout (prophètes et Apôtres) placés sous des dais d’architecture ne sont finalement reposés qu’après plus de de trente ans de réflexions, entre 1983 et 1986 par le peintre-verrier Jean Mauret.
Lors de la destruction de la Sainte-Chapelle de Bourges entre 1757 et 1775, les vitraux sont démontés puis présentés dans les douze baies de la crypte de la cathédrale jusqu’à la Révolution, période durant laquelle plus de la moitié des verrières est brisée. Rassemblés dans cinq baies au XIXe siècle, les vitraux XVe subsistants demeurent dans la crypte jusqu’en 1939, date à laquelle ils sont déposés et mis en caisses. Après la guerre, un plan de repose élaboré par l’architecte en chef des Monuments historiques Ranjard, l’architecte Robert Gauchery et l’historien Louis Grodecki propose une répartition des vingt personnages dans dix baies ainsi qu’une vitrerie d’accompagnement. Les ateliers de Francis Chigot (Limoges) et de Max Ingrand (Paris) sont retenus à l’issue d’un concours en 1957 pour se répartir le travail. Des difficultés financières et le décès des deux verriers entre 1960 et 1969 empêchent à ce moment la réalisation des travaux. Après diverses tentatives pour relancer le projet, celui-ci refait surface en 1978. Il est décidé de présenter in situ les anciens essais d’accompagnement de Max Ingrand et de Francis Chigot ainsi que des panneaux de losanges demandés à Jean Mauret. L’exposition dans l’une des baies de la crypte de deux personnages anciens assortis de ces panneaux d’essais laisse le groupe de travail dubitatif. Reconnaissant certaines qualités de coloris et de composition à ces essais, il lui est impossible de les retenir pour accompagner les vitraux du XVe siècle. Il faut chercher de nouvelles solutions.
En 1981, suite à une réunion organisée avec le professeur Louis Grodecki, il est demandé à Jean Mauret la réalisation de panneaux d’accompagnement répondant à des critères précis : « jeu de plomb en verres blancs battus, partie de grisailles patinées » (en référence aux vitraux de Saint-Maclou de Rouen), « partie de grisaille patinée et couleur » (en accord avec les fonds d’architectures des vitraux anciens).
L’artiste propose sept versions de panneaux d’accompagnements avec différents types de bordures et de fonds (losanges ou rectangles). Deux de ces essais sont retenus puis présentés sur place en mai 1983 sous la forme d’une baie composée de deux personnages anciens sous dais et de deux demi baies d’accompagnement (une version avec bordure verte, l’autre avec un filet de jaune d’argent). Cette présentation permet d’arrêter un parti qui recueille l’accord de tous les participants, la version avec filet de jaune d’argent.
L’artiste propose sept versions de panneaux d’accompagnements avec différents types de bordures et de fonds (losanges ou rectangles). Deux de ces essais sont retenus puis présentés sur place en mai 1983 sous la forme d’une baie composée de deux personnages anciens sous dais et de deux demi baies d’accompagnement (une version avec bordure verte, l’autre avec un filet de jaune d’argent). Cette présentation permet d’arrêter un parti qui recueille l’accord de tous les participants, la version avec filet de jaune d’argent.
La proposition retenue et réalisée présente un tracé de rectangles verticaux soulignés d’un double jeu de plombs longés de traits fins de grisaille. La verticalité est mise en relief grâce à l’utilisation de plombs de différentes largeurs. Un filet de jaune d’argent sur lequel ont été tracés deux traits de grisaille file verticalement en haut des baies, sans suivre la forme brisée de la fenêtre. Cette disposition ouvre la composition vers le haut.
Les accompagnements reprennent certains éléments des anciens vitraux : le jaune d’argent, les verticales des fonds d’architecture, les filets de grisaille. Les verres utilisés sont transparents mais très légèrement patinés avec de la grisaille blanche (toutes les pièces sont cuites). La présence discrète de cette grisaille ne ferme pas l’édifice et maintient une certaine transparence.
La vitrerie d’accompagnement de la crypte de Bourges n’étouffe pas les vitraux anciens, elle les accompagne véritablement. Le choix d’une composition simple et très soignée, traitée avec des tons neutres, confère à l’ensemble un aspect intemporel.
Jean Mauret n’a pas réalisé d’autres créations d’accompagnement de vitraux anciens. Il existe cependant quatre autres projets de sa main, mais non exécutés, pour l’église abbatiale de Solignac (Haute-Vienne) en 1985, pour l’église Saint-Beauzire de Trizac (Cantal) en 1989, pour l’église de Saint-Cyr-la-Roche (Corrèze) en 1989 et pour l’église Notre-Dame de Niort (Deux-Sèvres) en 1989. Ces quatre projets concernent tous l’intégration de vitraux XVe ou XVIe dans une vitrerie de création. Ils datent de 1985 à 1989, immédiatement à la suite de la réalisation des verrières de la crypte de Bourges.
Valérie Mauret-Cribellier, chercheur au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire