En partenariat avec l’université de Tours et aux termes d’une convention passée pour trois ans, le service Patrimoine et Inventaire a recruté un étudiant chercheur en contrat doctoral. Il réactive ainsi l’étude du patrimoine industriel de la région Centre-Val de Loire, à l’échelle du Pays Loire-Val d’Aubois, labellisé Pays d’art et d’histoire.
L’enquête porte sur les cinquante communes du Pays et fait suite à une étude antérieure lancée en 1991. Le territoire du Val d’Aubois avait fait l’objet d’une attention toute particulière : aux confins du Cher et bordée à l’est par la Loire et l’Allier, la vallée de l’Aubois est une terre de bois et de prairies aujourd’hui essentiellement rurale mais riche d’un patrimoine bâti usinier important.
À l’angle d’un bois ou d’un chemin, au long d’une route ou d’un canal, le promeneur à l’œil avisé remarquera sans doute lors de ses pérégrinations une grande cheminée de brique, un massif maçonné en ruine ou quelconques autres infrastructures témoignant du passé industriel de la vallée.
Difficile cependant d’imaginer que ce petit territoire rural et bucolique a connu, voilà un siècle, une activité industrielle si intense et florissante qu’il fût l’un des principaux bassins de production métallurgique puis chaufournier de France, voire d’Europe !
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle d’abord, les fers du Val servaient pour partie à la fabrication des chaînes et des ancres marines (1). En temps de guerre, les usines de la vallée produisirent même boulets et affûts qui armaient les vaisseaux de la Marine royale (2). L’usine de Torteron fut reconnue dès la première moitié du XIXe siècle pour la qualité de ses fontes mixtes dont elle était l’une des plus grandes productrices de France (3). Au début du XXe siècle ensuite, alors que l’industrie de la chaux avait pris le relais de l’industrie métallurgique depuis quelques décennies, le bassin de Beffes s’imposa comme l’un des plus gros bassins chaufourniers de France.
Ce passé industriel a très profondément marqué le paysage et le territoire du Val. Dans leurs formes mêmes, ces derniers trahissent la présence passée des grandes usines métallurgiques de Grossouvre, Trézy, Torteron ou bien encore des grandes usines de chaux et ciments du bassin de Beffes. Les variations de terrain, les grandes prairies humides encadrées de bois, les multiples étangs ou ruisseaux drainant la vallée de l’Aubois sont l’expression contemporaine d’anciennes retenues d’eau, de canaux d’amenée ou autres biefs de dérivation ; d’anciennes carrières de calcaire aujourd’hui noyées, de plateformes de chemin de fer ou d’anciennes buttes de laitier (4) . De la même manière, bon nombre de maisons d’habitation aujourd’hui occupées par les habitants du Pays sont d’anciennes unités d’habitation ouvrières, construites sur la volonté des grands industriels de la région pour fixer la main d’œuvre.
Cette opération d’inventaire vise ainsi à étudier le patrimoine industriel du Val d’Aubois tout en allant au-delà de l’approche technique, historique et architecturale. Il s’agit de contextualiser ce patrimoine à la fois historiquement et spatialement afin de comprendre les mécanismes de développement industriel et urbanistique et de mesurer l’impact du fait industriel sur la construction paysagère du Val. Le paysage fera l’objet d’une approche historique. Les œuvres industrielles ayant contribué à sa modification seront systématiquement inventoriées et étudiées. Les établissements de moindre importance tels que les moulins ou les petites manufactures proto-industriels seront quant à eux enregistrés dans la mesure où ils participent à la structuration du territoire.
Les informations collectées au cours de cette enquête, menée entre 2018 et 2020, seront saisies dans une base de données. Des dossiers électroniques seront construits et rendus accessibles en ligne, à terme, sur la plateforme du service Patrimoine et Inventaire. Un manuscrit de thèse formant synthèse sera par ailleurs rédigé par le doctorant en charge de l’étude.
Aymeric Fassier, chercheur associé au SPI et doctorant en histoire de l’art contemporain à l’université de Tours
(1) VASLIN, Marie. L’évolution des activités économiques et des paysages en vallée de Germigny (Cher). Thèse de doctorat :doctorat : Géographie, sous la direction de Pierre Gillardot. France :France : Université d’Orléans, 1996, p. 275-277.
(2) Ibid, p. 285.
(3) COLLECTIF. Guide Bleu des châteaux de la Loire. De Briare à Angers. Paris :Paris : Hachette Tourisme, 1991. (Guides Bleus), p. 344.
(4) En sidérurgie, le laitier désigne les résidus formés au cours de la réaction transformant le minerai de fer en métal. Ce produit se compose principalement de silicates (silices), aluminates (oxydes d’aluminium) et de chaux (oxydes de calcium).