La procédure dite du 1% artistique

Publiée le 29 septembre 2021

Nouvelles de la recherche Professionnel du patrimoine Cher (18) Étudiant‐Chercheur Indre (36) Enseignant Indre-et-Loire (37) Époque contemporaine

Après le transfert de compétences liées aux lois de décentralisation au début des années 1980, l’Éducation nationale cède aux régions le parc immobilier des lycées et son équipement. En 2011, le Service Patrimoine et Inventaire de la région Centre-Val de Loire entreprend un travail de recherche sur l’architecture des lycées implantés sur son territoire et le mobilier qu’ils abritent, en particulier les œuvres relevant de la procédure de commande publique dite du 1% artistique. Un corpus de 122 œuvres est ainsi recensé.

Mise en place par l’arrêté du 18 mai 1951, cette mesure obligatoire de soutien aux artistes vivants concerne initialement les constructions relevant de l’Education nationale ; elle est étendue progressivement dans les années 1980 aux autres constructions publiques. Elle vise, lors de l’édification de tout nouvel édifice, de l’extension ou la réhabilitation d’un édifice existant, à consacrer 1% du coût des travaux à la commande ou l’acquisition d’une œuvre d’art contemporain qui sera installée dans le nouveau bâtiment ou ses abords.

Les objectifs de cette procédure innovante sont de plusieurs ordres. Outre le signal fort de soutien donné aux artistes, elle favorise la collaboration entre architectes et artistes qui travaillent ensemble à l’élaboration du projet. Elle veille en outre à instaurer une relation étroite entre l’architecture et les éléments décoratifs qui doivent s’intégrer à l’esprit général de cette architecture jusqu’à faire partie de la vie quotidienne des usagers, tout en restant une œuvre de création. Le second objectif est d’ordre pédagogique : par cette mesure, l’art contemporain s’expose hors-les-murs des institutions spécialisées (musées, galeries) pour aller à la rencontre d’un public jeune qui n’y est pas nécessairement sensibilisé.

Les œuvres présentées ci-après, datées entre 1952 et 2010, illustrent le large champ de création.

Portraits de femmes célèbres
Cliquez pour agrandir. Portraits de femmes célèbres par Jacqueline et Jean Lerat (Bourges, lycée Marguerite de Navarre) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

1952
Jacqueline (1920-2009) et Jean LERAT (1913-1992)
Ensemble de 41 médaillons, grès céramique émaillé
Façade nord de l’internat du lycée Marguerite de Navarre à Bourges

De gauche à droite : Marguerite de Navarre, George Sand, Germaine de Staël, Marie de La Fayette

Au cours de la construction de l’internat du lycée de Jeunes filles de Bourges (1950-1952), l’architecte des Bâtiments civils et des Palais nationaux Jacques Barge, en accord avec la directrice de l’établissement, Yvonne Cordillot, propose l’intervention de Jean et Jacqueline Lerat, céramistes réputés établis à La Borne (Cher) pour créer un décor d’architecture en terre cuite qui s’étirera sur l’ensemble de la façade principale de l’internat. Son souhait est de s’inscrire dans la tradition de la poterie locale et dans « l’héritage des principes décoratifs de la Renaissance » par le choix du médaillon. Les artistes sont agréés le 11 février 1952.

La suite de médaillons rend hommage à 41 femmes célèbres, choisies selon les critères les plus divers, et qui doivent servir de modèles à suivre pour les jeunes filles : femmes d’action, féministes, patriotes, éducatrices, scientifiques, femmes de lettres, artistes, sportives. On découvre ainsi Marguerite de Navarre qui a donné son nom au lycée, Jeanne Lanvin, fondatrice de la Maison de haute couture qui porte son nom, Sarah Bernhardt, tragédienne, Simone Weil, philosophe, Pauline Kergomard, fondatrice des écoles maternelles, Suzanne Lenglen, championne de tennis. Cette œuvre a donc une double vocation d’ornementation et de source d’inspiration pour les élèves.

Le lycée de Jeunes filles de Bourges est le premier lycée inauguré en France comportant une œuvre réalisée au titre du 1% artistique.

Amboise, le matin / La Loire, le soir
Cliquez pour agrandir. Amboise, le matin par Olivier Debré (Amboise, lycée Léonard de Vinci) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Vanessa Lamorlette-Pingard
Cliquez pour agrandir. La Loire, le soir par Olivier Debré (Amboise, lycée Léonard de Vinci) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Vanessa Lamorlette-Pingard

1970
Olivier DEBRÉ (1920-1999)
Ensemble de deux huiles sur toile monumentales
Réfectoire du lycée Léonard de Vinci à Amboise

Les architectes du nouveau lycée d’Amboise, Jacques Barthélemy et Paul Chalumeau, décident de consacrer le 1% artistique à la décoration des murs situés en vis-à-vis de la nouvelle salle du réfectoire et proposent deux toiles du peintre Olivier Debré.

La commission artistique donne son accord le 11 février 1969. Elle fonde son choix sur les propositions de l’artiste et souligne que « sa formation d’architecte l’a rendu soucieux de l’intégration de ces peintures dans l’espace ambiant et il s’est attaché pour cela même à en simplifier le plus possible les structures et à en accorder les tonalités et les lignes générales ».

Les toiles, signées et datées 1970, représentent la vallée de la Loire et les paysages de Touraine aux environs d’Amboise, thème cher au peintre attaché à la région, l’une au lever du soleil, l’autre au soleil couchant, composant pour chacune un paysage épuré aux larges surfaces colorées et transparentes que le spectateur surplombe et peut contempler tel un immense détail.

Blue Blazes
Cliquez pour agrandir. Blue Blazes par Daniel Szakonyi (Châteauroux, lycée Blaise Pascal) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

1994
Daniel SZAKONYI (né en 1946)
Sculpture monumentale, fer soudé peint
Cour intérieure du lycée Blaise Pascal à Châteauroux

 Le projet de Daniel Szakonyi, peintre et sculpteur américain, installé dans l’Indre depuis la fin des années 1970, est exécuté en 1994 à l’occasion de réfections effectuées dans le lycée par l’architecte Monique Barge.

L’œuvre consiste en une sculpture-girouette ouverte en tôle peinte, où les formes s’entrecroisent, fixée sur un socle en béton placé au centre d’un bassin. Dans ses réalisations monumentales, l’artiste tend vers l’osmose entre l’œuvre et son environnement et encourage la rencontre entre le créateur et le spectateur. Il définit ainsi Blue Blazes : « l’utilisation de l’espace libère l’œil qui peut alors voyager au travers de la structure solide, et facilite l’exploration de ses différentes facettes ».

Auxiliaires et parasites

2010
Agence MICROCLIMAX (Carolyn WITTENDAL, artiste plasticienne, Benjamin JACQUEMET-BOUTES, architecte)
Fabriques de jardin et sculptures extérieures, béton armé, acier galvanisé, bois
Lycée agricole de Bourges-Le Subdray

Dans le cadre de la construction du lycée agricole du Subdray par l’agence d’architecture Carré d’Arche, le projet de l’agence Microclimax est sélectionné le 18 novembre 2010.
L’œuvre mi-architecturale et mi-mobilier est composée de quatre fabriques de jardin Auxiliaires et de quatre sculptures Parasites, disséminées sur une pelouse d’environ 1 hectare. Elles sont envisagées par leurs auteurs comme des « sculptures praticables », semblables à un écosystème en développement.
Les fabriques de jardin : « Galerie des paysages », « Cabane perchée », « Sous la Terre » et « Cage à sauvage » (cette dernière accessible aux seuls petits animaux) constituent un « troupeau de microarchitectures, détournements hybrides des icônes du paysage agricole (fermes, hangars, séchoirs…) [qui] crée des abris pour mieux voir, sentir et lire le paysage (…) ».
Les Parasites qui contribuent à l’équilibre de l’écosystème, sont dénommés « Mousse » », « Bactérie », « Fongus » » et « « Lombric » ». Ils sont associés à l’architecture et servent de bancs de jardin qui jalonnent les différents parcours.

Cliquez pour agrandir. Auxiliaires : « Cage à sauvage » et « Cabane perchée » par l’agence Microclimax (Carolyn Wittendal artiste plasticienne, Benjamin Jacquemet-Boutes architecte) (Le Subdray-lycée agricole) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo
Cliquez pour agrandir. Parasite-Fongus par l’agence Microclimax (Carolyn Wittendal artiste plasticienne, Benjamin Jacquemet-Boutes architecte) (Le Subdray-lycée agricole) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

Françoise Jouanneaux, chercheur au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire

Pour en savoir plus sur le 1% artistique dans les lycées de la région Centre-Val de Loire

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