L’église Saint-Nicolas de La Ferrière (Indre-et-Loire)1 a été étudiée en 2019 dans le cadre de l’inventaire du patrimoine architectural et mobilier des édifices religieux mené actuellement, dans 55 communes du nord-est de l’Indre-et-Loire, par le Pays Loire Touraine, en partenariat avec la Région Centre-Val de Loire. La commune de La Ferrière présente la particularité d’avoir un fonds d’archives paroissiales déposé aux archives départementales. Ce fonds, consultable sous les cotes 49 J 2 et 49 J 3, regroupe une soixantaine de documents liés à la fabrique2 et environ 300 documents liés aux travaux d’entretien et à la fourniture d’objets pour l’église et le presbytère3. C’est une source intéressante pour connaître la provenance de certains objets mobiliers dans la seconde moitié du XIXe et la première moitié du XXe siècle.
Les artisans locaux sont principalement sollicités pour la réalisation d’ouvrages en bois. C’est ainsi que nous trouvons les interventions de : Henri Maillet, menuisier à Marray, qui s’engage à fournir 20 bancs en 1875 et 13 stalles en 1876 ; Betz, menuisier à Marray, qui fabrique l’escalier de la tribune en 1883 puis son fils qui réalise un catafalque en 1918 ; L. Maurel, menuisier-ébéniste à Neuvy-le-Roi, qui réalise un pupitre en chêne en 1913 ; A. Touchard, menuisier-ébéniste à La Ferrière, à qui l’on doit notamment la restauration du banc de la famille de Nadaillac en 1906, la fabrication de 4 chandeliers funéraires en 1907, d’un placard dans la sacristie en 1910 et d’une petite croix en noyer en 1914 ; et Cruchet, menuisier aux Hermites, qui restaure l’harmonium en 1918 et 1919. Autres artisans locaux, les bourreliers interviennent pour remplacer la courroie de la cloche (Besnard-Guillot en 1899, A. Peltier en 1910). La présence à La Ferrière, d’une épicerie-mercerie-rouennerie, tenue au début du 20e siècle par Amélina Brossay, permet d’acheter de l’huile pour les lampes et différentes pièces de tissus qui servent aux réparations ou à la réalisation d’objets textiles confiées à des couturières locales comme, par exemple, Augusta Cavallo, en 1915.
Chef-lieu du département et siège de l’archevêché, Tours est le lieu d’approvisionnement privilégié du curé et de la fabrique. Le Grand Bazar et les Grands magasins de l’Hôtel de Ville, situés rue Nationale, permettent d’acheter des pièces de tissus que l’on ne trouve pas à l’épicerie communale mais l’on fait surtout appel à des fabriques d’ornements d’église.
Pradel-Giraudeau, fabrique de broderies et tapisseries, 10 rue Néricault-Destouches, réalise ou répare divers ornements liturgiques, entre 1916 et 1919. Un ornement noir de 1ère classe, en soie brodée d’argent, est fabriqué en 1917, pour 115 francs à partir de « soie fournie par madame veuve Spiez-Chesneau (villa Ste Anne à La Ferrière), cent francs donnés également par Mme Vve Spiez-Chesneau pour la façon, et quinze francs ajoutés par la fabrique4». L’année suivante sont notamment fournies une étole noire pour 30 francs, une étole violette et blanche pour 50 francs, et une « chappe noire broderie main sur satin ornée galon mi-fin frange argent mi-fin5» pour 250 francs. La maison Stéphen Philippe, basée 3 rue des Saints-Pères à Paris mais ayant un magasin à Tours, fournit, en 1891 et 1892, à l’abbé Bérard, notamment « 3 lustres à fleurs de lys, 15 lumières monture en cuivre verni or, 2 paires candélabres fleurs, 2 petites lampes suspension, 4 bras à 7 bougies6» et « 1 lampe n°906 avec étoile et émaux, 6 cottas romaines, 6 soutanes mérinos, 1 exposition n°756, 1 tapis fond rouge avec fleurs, 1 thabor porte-missel n°1062, 8 bouquets paillon, 1 corbeille assortie […]7» pour un montant total s’élevant à 1 581,60 francs. Quillery, ornements d’églises, 30 rue de la Scellerie, fournit de la gaze (1897), une chape en drap d’or (1901), une lampe et deux chandeliers (1903) et un ornement violet (1920). J. Falce aîné, 20 rue Jules Moinaux, « seule maison recommandée par l’archevêché de Tours pour la dorure et la réparation des vases sacrés [et] fournisseur de plusieurs évêchés et archevêchés de France ayant donné des preuves de la solidité de [s]es travaux depuis longue date, garantie pour un minimum de 25 à 30 ans8», est choisie pour l’achat d’un encensoir argenté (1912), réargenter un bénitier et son goupillon (1919) et pour l’achat et la ré-argenture de chandeliers (1913, 1914 et 1924).
Tours est également le lieu où se trouvent plusieurs libraires et éditeurs spécialisés. La maison Alfred Mame et fils, bien sûr, où l’on achète en 1921 un missel de Tours, un signet et un propre de Tours relié au missel pour un montant 155,70 francs. On s’approvisionne également auprès de la maison Augis, librairie-papeterie « Au Sacré-Cœur », 89 rue de la Scellerie, mais surtout auprès de la Librairie religieuse de Victor Lemiale, 1 rue Descartes et rue des Halles, qui fournit, entre 1907 et 1920, divers registres, livres (graduel, ordo), affiches, certificats de mariage et même bons points pour le catéchisme ! E. Etesse, facteur de pianos, est également éditeur, et l’abbé Bérard lui achète, pour 18 francs, deux volumes du Plain chant à l’harmonium en 1913.
En 1865, le curé Bignon fait réaliser des fonts baptismaux en « marbre rose, cuve ovale, 0m90, avec couvert fermant à clé surmonté d’une croix dorée, couvert bronzé et peint en blanc dans l’intérieur9» pour un montant de 146 francs auprès de Guillet & Perrier, marbriers, 31 place d’Aumont, en face des halles centrales. En 1920, une souscription auprès des paroissiens permet l’acquisition, pour 1 090 francs, d’une « plaque marbre noir en mémoire des soldats de La Ferrière morts pour la France avec gravure et rosaces10» réalisée par Charles Bullot, marbrerie générale, 12 rue de Bordeaux. La même année, est achetée pour 175 francs une statue du Sacré-Cœur auprès de Pieraccini-Pélissier, éditeur statuaire, dont les ateliers sont situés 40 rue Léon-Boyer et le magasin 10 rue Descartes.
De manière plus anecdotique on peut noter l’achat de deux corbeilles chez Gohier-Déchargnia, fabrique de boissellerie, vannerie, boiterie et tonnellerie et deux autres auprès de la Manufacture de vanneries ; quatre burettes chez Jactel aîné, porcelaines et cristaux ; de bouquets, chez Muller-Vignon, fabrique de fleurs et de couronnes mortuaires ; de cordes pour les cloches auprès de Léon Méry, ficelles et cordages ou de souches, cierges et brûle-encens auprès de la maison Peltereau-Soudée, fabrique de cierges et de bougies…
Situés en dehors des activités commerciales classiques, des couvents de religieuses apparaissent également dans les factures : les sœurs de la Providence sont chargées de plusieurs travaux de repassage et de raccommodage (aubes, surplis, nappes, devants d’autel) en 1913 et 1915 ; et le Carmel, 13 rue des Ursulines, fournit quant à lui les hosties, entre 1910 et 1934.
Le recours à des fournisseurs extérieurs au département semble très rare et nous en avons trouvé seulement cinq mentions. Une cloche est fondue et livrée le 13 mars 1867 par Jacob Holtzer et Cie, à Unieux (Loire). L’accès au clocher n’a pu être possible, mais l’inventaire de 1906 mentionne qu’elle porterait l’inscription « Jacob Holtzer et Cie, marraine Princesse Hélène de Podenas, parrain Prince Roger de Podenas, Bignon Curé, 1867 ». En 1909, une grande lampe en cristal rouge, deux globes de cristal rouge, un bec avec piédouche et coupelle et douze mètres de mèches sont achetés auprès de la maison C. Guillon, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Eugène Blanvillain, fabrique d’ornements d’église à Bressuire (Deux-Sèvres), fournit douze souches en 1909, et P.F. Dubois, fabrique d’ornements d’église à Lyon (Rhône), fournit des bobèches en 1932, alors qu’habituellement ces produits sont achetés à Tours. Le dernier objet acheté en dehors du département est une aube avec dentelle montée sur toile fabriquée par la manufacture de vêtements liturgiques Pierre Pouplard, à Angers, en 1933. Pour ces deux dernières commandes, il est précisé qu’elles sont expédiées par colis postal en gare de La Ferrière-Les Hermites.
Les archives des fabriques constituent une source complémentaire aux informations concernant les objets mobiliers (procès-verbal de visite pastorale et inventaire de 1906 notamment) conservées aux archives départementales. Leur consultation systématique pour chaque édifice n’est pas possible en raison du temps à y consacrer, mais un travail semblable sur plusieurs autres fabriques de l’aire d’étude permettrait de confirmer ou tempérer les phénomènes observés pour La Ferrière.
Arnaud PAUCTON, chargé d’études inventaire du Patrimoine au Pays Loire Touraine et chercheur associé au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire
1 Commune de 315 habitants (2018) située à une trentaine de kilomètres de Tours et une douzaine de Château-Renault. L’église conserve plus de 110 objets ou ensemble d’objets dont 18 ont donné lieu à la rédaction de dossiers individuels, les autres étant mentionnés sous forme de liste.
2 Comptes, budgets, correspondances, authentique de reliques, legs, etc. entre 1683 et 1906.
3 Factures, mémoires des dépenses, conventions, honoraires, correspondances, etc. entre 1864 et 1934.
4 Commune de 315 habitants (2018) située à une trentaine de kilomètres de Tours et une douzaine de Château-Renault. L’église conserve plus de 110 objets ou ensemble d’objets dont 18 ont donné lieu à la rédaction de dossiers individuels, les autres étant mentionnés sous forme de liste.
5 Comptes, budgets, correspondances, authentique de reliques, legs, etc. entre 1683 et 1906.
6 Factures, mémoires des dépenses, conventions, honoraires, correspondances, etc. entre 1864 et 1934.
7 ADIL, 49 J 3. Facture du 1er mai 1892.
8 En-tête de la maison J. Falce aîné.
9 ADIL, 49 J 3. Facture du 10 mai 1865.
10 ADIL, 49 J 3. Facture du 28 août 1920.