50 ans d’Inventaire des objets mobiliers en Région Centre-Val de Loire

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Le prestigieux patrimoine de la région Centre-Val de Loire ne se limite pas aux châteaux, demeures privées, édifices religieux ou publics, qui dateraient pour l’essentiel du Moyen Age ou de la Renaissance, aussi nombreux et fastueux soient-ils. L’Inventaire général, comme l’a voulu son fondateur, André Malraux, se préoccupe autant des objets que des édifices qui les contiennent, avec la même rigueur et les mêmes méthodes.

Les inventaires topographiques

Dès sa création en 1972, la « Commission régionale d’Inventaire du Centre » intègre, lors des inventaires topographiques, l’ensemble des composantes du patrimoine : le patrimoine immobilier et le mobilier public non gardé (celui des églises essentiellement) sur un territoire donné, défini à l’origine comme le canton. Elle lance ses premières recherches dans les cantons de Mennetou-sur-Cher (Loir-et-Cher), Sully-sur-Loire et La Ferté Saint-Aubin (Loiret) et va les étendre progressivement à tous les départements de la région. Le canton de Bléré (Indre-et-Loire) est, à ce jour, le dernier canton en Centre-Val de Loire à avoir fait l’objet d’un inventaire topographique.

Peintures murales Christ en Majesté, église Saint-Martin de Nohant-Vic (Indre) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Jean-Claude Jacques, Robert Malnoury

Parallèlement aux inventaires menés canton par canton, la Commission devenue « Service Régional de l’Inventaire » (SRI) s’implique dès le milieu des années 1980 dans des études à l’échelle de la région. Sa première participation à ce nouveau type d’approche est la réalisation de la couverture photographique d’une enquête dirigée par le CNRS, consacrée aux peintures murales de l’époque romane1.

Les inventaires de mobilier vont se développer au gré de l’émergence de nouvelles problématiques, de l’élargissement du champ chronologique, de l’ouverture de nouveaux terrains d’investigation, en fonction des opportunités offertes sur un territoire particulier, de la documentation existante sur telle ou telle thématique ou des liens noués avec des partenaires : services de l’État, collectivités territoriales, musées, associations…

La première étude systématique d’un ensemble mobilier hors canton est réalisée pendant l’Inventaire topographique de la ville de Tours (1983-1993). Le choix de cette étude se justifiait initialement par la qualité du patrimoine architectural, cependant les découvertes dans le champ mobilier furent si notables qu’elles en occultèrent partiellement la richesse architecturale.

Les opérations ponctuelles

Le SRI est fréquemment mobilisé pour des opérations ponctuelles, généralement sur des sollicitations ou du fait de concours de circonstances.

Dans les années 1990, un partenariat se noue entre le SRI et la Conservation Régionale des Monuments Historiques (CRMH) de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la région Centre afin d’entreprendre l’inventaire du mobilier de la cathédrale Notre-Dame de Chartres. Cette opération intervient dans le cadre du recensement national des biens mobiliers contenus dans les édifices appartenant à l’État, en particulier les cathédrales. L’inventaire de la cathédrale Saint-Gatien de Tours avait été achevé peu de temps auparavant, celui de Chartres sera suivi par l’inventaire partiel du mobilier de la cathédrale Saint-Louis de Blois. De même, une convention est signée en 2003 avec le musée des Beaux-Arts d’Orléans selon laquelle le SRI assurera la photographie des objets exposés et la rédaction de notices d’identification à l’occasion de l’exposition Les Orfèvres d’Orléans (mars-mai).

L’actualité locale peut être l’occasion d’ouvrir une recherche en lien avec une thématique nationale. Dans les années 2000, l’Assistance Publique/Hôpitaux de Paris lance le projet Présent et avenir du patrimoine hospitalier européen dans un but de connaissance et de sauvegarde de ce patrimoine spécialisé encore méconnu. L’objectif est de produire un guide de référence et d’encourager les recherches, en particulier à l’Inventaire général. Le transfert des services du Centre Hospitalier Régional d’Orléans du site historique intra-muros vers le nouvel hôpital situé au sud de la ville donne cette opportunité d’étudier le patrimoine du site ancien du CHRO dans sa totalité : architecture et mobilier de toute nature, plus spécialement le matériel médical. Outre la connaissance, le second objectif est la sauvegarde de ces œuvres par une présentation permanente dans le hall principal du Nouvel Hôpital d’Orléans, effective depuis 2017.

Navette à encens, cathédrale Notre-Dame de Chartres (Eure-et-Loir) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Mariusz Hermanowicz, Aldo Abbinante
Outils de taillandier : estampes d’enclumes, mandrins…, atelier de taillanderie à Orléans (Loiret) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Robert Malnoury, Laeticia Besnard

Le service est en outre parfois appelé pour de courtes interventions, comme celle qui eut lieu en 2001 à l’atelier de Bernard Solon, dernier maître artisan taillandier de France.

D’autres inventaires sont engagés pour leur proximité avec une étude en cours en interne, c’est le cas de celui des céramiques de l’atelier Le Clos de Joÿe-Jeanne Champillou qui s’inscrivait dans le programme « Val de Loire et Reconstruction ». Ce programme, débuté en 2010, est dédié à l’architecture et à l’urbanisme des secteurs rebâtis dans treize communes du Val de Loire détruites ou endommagées pendant la Seconde Guerre mondiale. Jeanne Champillou (1897-1978), céramiste orléanaise, a en effet œuvré pour le décor de nombre de bâtiments privés, publics civils et religieux reconstruits, essentiellement à Orléans et dans le Loiret.

Propriété de la région Centre-Val de Loire depuis 2007, le Domaine de Chaumont-sur-Loire mène une politique soutenue d’acquisition d’objets mobiliers dans la perspective de restituer l’ameublement du château à l’image des grandes demeures aristocratiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Recouvrant les domaines les plus variés (vaisselle, cristallerie, linge de maison, peintures, médaillons, photographies, armes, meubles domestiques, harnachement…), plus de 3 000 items significatifs pour l’histoire du site, sont déjà entrés dans les collections, dont l’inventaire normalisé a débuté à la fin des années 2010.

Les inventaires thématiques

Outre les enquêtes topographiques et les opérations ponctuelles, l’approche thématique qui s’attache à un patrimoine spécifique apparaît progressivement et se développe en parallèle, surtout à partir de la fin des années 1990.

Le Pays d’art et d’histoire Loire Touraine, partenaire scientifique depuis 2010 du SRI, après avoir mené un inventaire topographique des neuf communes de la vallée de la Brenne situées en Indre-et-Loire, se consacre ainsi depuis 2018 à l’étude thématique des édifices religieux publics (architecture et mobilier) et des édicules religieux de l’ensemble du Pays.

Une des premières enquêtes thématiques de l’inventaire général, initiées au niveau national, portait sur le vitrail. Le volume du Corpus vitrearum Medii Aevi (s’étendant aussi à la Renaissance)2 concernant la région Centre-Val de Loire est publié en 1981. La thématique est relancée en 2005 par le SRI au travers de la convention avec l’association Rencontre avec le patrimoine religieux, dont le chercheur, après avoir recensé les vitraux de l’Indre et de l’Indre-et-Loire, poursuit son travail sur le Loiret. Elle continue de s’enrichir par les études, entreprises en interne, de deux fonds d’ateliers de peintres-verriers établis dans la région : Jean Mauret à Saint-Hilaire-en-Lignières (Cher) et Lorin à Chartres (Eure-et-Loir). Ces fonds d’ateliers présentent une haute valeur patrimoniale et constituent une ressource documentaire inestimable pour la connaissance du vitrail.

Vitrail, baie 101 par Jean Mauret, église Saint-Martin d’Ambrault (Indre) © Région Centre- Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo
Monument au cardinal de Richelieu par Claude Ramey, place du Cardinal à Richelieu (Indre-et-Loire) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

Le projet portant sur la Statuaire publique en région Centre-Val de Loire pour la période 1800-1950 est né en 2009 de la volonté d’animer le réseau d’acteurs régionaux patrimoniaux dans lequel s’insère l’Inventaire général. Il a découlé d’un constat simple établi par la CRMH : aucun, des monuments et sculptures publics de la région, ne bénéficie d’une protection réglementaire, pourtant certains d’entre eux sont remarquables ou très dégradés. Un partenariat se crée alors entre la CRMH et le SRI afin d’étudier ce patrimoine ignoré et de moins en moins visible à l’emplacement qui lui était destiné, et parfois menacé en raison de son exposition en extérieur. Au terme de l’étude, 17 statues ou monuments de grande valeur ont été inscrits au titre des Monuments historiques et plus d’une vingtaine d’autres restent dans l’attente d’une protection.

Depuis les lois de décentralisation de 19833, les gestions matérielle et financière des lycées relèvent de la responsabilité des Régions. Les compétences de l’Inventaire général étant transférées aux régions en 20044, il devient rapidement une évidence en Centre-Val de Loire d’étudier ce patrimoine présentant un intérêt incontestable. En 2007, le SRI entreprend un travail de recherche sur l’architecture des lycées implantés sur le territoire régional et sur les objets mobiliers qu’ils abritent : les collections pédagogiques (instruments scientifiques, sciences naturelles) dont la préservation fait l’objet d’une réflexion, et surtout les œuvres relevant de la procédure spécifique de commande publique du « 1% artistique ». Cette procédure de commande d’œuvres à des artistes s’impose à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales depuis 19515.

Elle vise, lors de l’édification de tout nouvel édifice, de l’extension ou la réhabilitation d’un édifice existant, à consacrer 1% du coût des travaux à la commande ou l’acquisition d’une œuvre d’art contemporain qui sera installée dans le nouveau bâtiment ou ses abords. A l’issue du recensement, un important corpus de 122 œuvres d’art contemporain est constitué dont l’étude approfondie est en cours et pour lesquelles il s’agit maintenant de définir les programmes de mesures conservatoires, de restauration et de valorisation.

Fabriques de jardin et sculptures Auxiliaires et Parasites par Carolyn Wittendal et Benjamin Jacquemet-Boutes (1% artistique), lycée agricole de Bourges-Le Subdray (Cher) © Région Centre- Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

Le domaine des objets mobiliers englobe une immense variété d’œuvres exécutées dans une multiplicité de techniques (menuiserie, orfèvrerie, vitrail, peinture, sculpture, bronze d’art, textiles…) dont beaucoup restent encore à découvrir.

Grâce à l’élargissement des champs chronologiques et thématiques, de nouvelles recherches tout à fait « inimaginables » à la création de l’Inventaire général sont à même d’émerger. Elles permettent de mettre en lumière des objets mobiliers souvent méconnus, voire inédits et parfois en danger, qu’il est indispensable de préserver. Sur un plan plus général, l’augmentation et la diversification des études contribuent à l’enrichissement des vocabulaires, à l’évolution des méthodes et normes scientifiques de l’Inventaire général.

Françoise Jouanneaux, chercheure au Service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire

1 TOUBERT, Hélène (dir). PEINTURES MURALES ROMANES. Orléans : AREP-Centre, Inventaire général SPADEM, 1988. (Cahiers de l’Inventaire 15).
2 Comité français du Corpus Vitrearum Medii Aevi. Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, collection Corpus vitrearum France-Recensement II. Paris : CNRS, 1981.
3 Lois du 7 janvier 1983 et du 22 juillet 1983, complétant la précédente loi, relatives à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État. La loi du 22 juillet transfère aux départements, pour les collèges, et aux régions, pour les lycées, la responsabilité de leur construction et de leur fonctionnement, à l’exception des dépenses pédagogiques et de personnels restant à la charge de l’État.
4 Loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 (article 95).
5 Dispositif original créé à l’initiative du sculpteur René Iché (1897-1954) et mis en place le 18 mai 1951.

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