Les interventions de l’architecte départemental d’Eure-et-Loir Émile Vaillant (1849-1931) à Senonches

Publiée le 22 novembre 2024

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Dans le cadre d’un inventaire du patrimoine bâti, le chercheur est parfois amené à croiser dans la documentation un ou plusieurs architectes de manière récurrente. Pour l’étude relative au Parc naturel régional du Perche, plus précisément sa partie eurélienne, c’est l’architecte départemental Émile Vaillant, particulièrement prolixe, qui est intervenu sur nombre d’édifices, pour l’essentiel de la vie publique1. En donner la liste exhaustive serait trop long pour cette courte note. Des réalisations significatives de cet architecte – surtout des mairies, des écoles et des hôpitaux – sont toujours visibles notamment à La Ferté-Vidame, Fontaine-Simon, Manou, Nogent-le-Rotrou, Saint-Éliph et Senonches. Pour cette dernière commune, étudiée en 2024 par l’Inventaire, Vaillant signe quelques 24 plans dont ceux relatifs aux deux réalisations présentées ci-dessous.

Qui est Émile Vaillant ?
Vue générale depuis le sud-est de la mairie-école (Saint-Éliph, Eure-et-Loir) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Vanessa Lamorlette-Pingard

Malheureusement, peu d’informations nous sont parvenues sur ce personnage, si ce n’est son maigre dossier individuel de l’École des Beaux-Arts2 qu’il intègre en 1867. Lauréat du prix Achille Leclère de l’Académie des Beaux-Arts en 1874, Charles Émile Vaillant s’installe à Chartres en tant qu’architecte du département d’Eure-et-Loir de 1878 à 1903. Il s’illustre entre autres par la construction en 1888 du théâtre à l’italienne de Châteaudun dont il dresse les plans et suit le chantier. A contrario, ses descendants sont bien plus connus et reconnus tels que son fils, Pierre Vaillant (1878-1939)3, peintre et graveur de renom, ou son arrière-petit-fils, Jean-Pierre Esnault (1950-2024), architecte à Châteaudun laissant derrière lui de nombreuses réalisations4.

Cliquer pour agrandir. Projet de construction de la mairie-école de Saint-Éliph, plan d’ensemble, Émile Vaillant, 1884 © Archives départementales d’Eure-et-Loir

La construction de la modeste mairie-école de Saint-Éliph préfigure, à l’échelle d’une commune rurale, le dessin de Vaillant pour l’édification de la grande école de filles de la ville de Senonches : plan aligné et symétrique conforme aux préconisations du ministère de l’Instruction publique, emploi de la brique très prisée dans ce secteur et à cette époque et traitement particulier du corps de bâtiment central, tout en élévation et au toit surmonté d’un clocheton lui donnant l’allure d’une chapelle – fait hautement symbolique dans un contexte général de laïcisation de l’école5.

Parmi les projets pour lesquels la municipalité de Senonches sollicite Émile Vaillant, deux se concrétisent : la construction de l’école de filles et salle d’asile6 et l’agrandissement de l’école de garçons.

L’école des filles et salle d’asile

Le 31 janvier 1882, un rapport explicatif de l’architecte précise que « la ville de Senonches n’a en ce moment qu’une école de filles avec asile, dirigées par les Sœurs [située au n°25 rue Louis Peuret, ndlr]. Ces bâtiments scolaires font partie de l’hospice. Aussi le conseil municipal a-t-il décidé depuis longtemps déjà la construction d’une salle d’asile avec école de filles. » Pour cela, la municipalité acquiert une maison bourgeoise pour la somme de 30 000 francs, appartenant à Eugène Tastemain, marchand de chaux à Senonches et charge Vaillant de transformer l’immeuble en maison d’école de filles et salle d’asile. Il dresse une série de plans7 aussi bien de l’édifice préexistant que des plans d’ensemble, généraux, de détails, élévations et coupes des nouveaux bâtiments à construire et du réaménagement prévu8.

Cliquer pour agrandir. Projet d’asile de 120 places et d’école de filles de 92 places, plan d’ensemble du rez-de-chaussée, plans des caves, de l’étage et du comble, dressés par Émile Vaillant en 1882 © PNR Perche, Florent Maillard
Cliquer pour agrandir. Asile et école de filles, détail d’exécution façade sur rue (asile), coupe sur les classes, façade latérale (lucarne), lucarnes des ailes, développement intérieur du porche, vue de face et vue latérale de la cheminée, grille, dressé par Émile Vaillant en 1882 © Archives départementales d’Eure-et-Loir

Les travaux sont réalisés entre 18839 et 188510 par l’entrepreneur de travaux publics Léon Gaudron, demeurant à Sonzay (Indre-et-Loire)11. Au côté monumental souhaité pour la construction qui s’impose comme le troisième bâtiment le plus vaste de la commune à cette époque, après l’église paroissiale Notre-Dame et le château, l’architecte donne à l’ensemble une touche locale par l’emploi de la brique en décor, que l’on retrouve sur les murs d’édifices emblématiques du secteur tels que le château de Maillebois.

Suite à la construction de nouvelles écoles maternelle (1966) et primaire (1968), les classes sont transférées et l’édifice est restauré pour accueillir l’hôtel de ville. Le 20 décembre 1985, ses façades et toitures sont inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historique. Depuis les années 1990, l’édifice accueille aussi le siège de la communauté de communes des Forêts du Perche (anciennement du Pays du Perche senonchois) et la médiathèque.

Vue d’ensemble depuis le sud-est de l’école de filles, devenue hôtel de ville de Senonches (Eure-et-Loir) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo
L’extension de l’école de garçons

Le second projet porte sur le château où se trouve l’ancienne école de garçons construite en 1834 suite au don à la municipalité d’une partie du château, de la part de Louis Adrien Achille Goupil (1761-1832), propriétaire des forges de Boussard (sise à Senonches) et de Dampierre-sur-Blévy (sise à Maillebois). Devenue trop exigüe, l’école est agrandie en 1888 par Émile Vaillant12. Il conserve les murs gouttereaux qu’il fait rehausser, offrant ainsi des volumes aux normes sanitaires, abat le pignon nord-est pour agrandir l’édifice dans cette direction, créant une seconde salle de classe. Les façades sont reprises dans le goût et suivant les exigences hygiénistes de l’époque : grandes ouvertures régulières en brique, symétrie, prolongement vertical des jambages des baies et création de bandeaux en brique. En retour d’équerre à l’est, il construit aussi un préau, un atelier de travail manuel et un bûcher. Depuis le début des années 2010, le château est réaménagé en musée de la Forêt alors que l’ancienne école accueille les locaux et bureaux de l’office de tourisme des Forêts du Perche ainsi qu’un espace muséographique en lieu et place des deux anciennes salles de classe.

Cliquer pour agrandir. Construction de classes à l’école de garçons, plan général dressé par Émile Vaillant en 1887 © Archives départementales d’Eure-et-Loir

Florent Maillard, chargé de mission « Inventaire du patrimoine bâti » au Parc naturel régional du Perche

Consulter l’étude sur l’architecture rurale du Parc naturel régional du Perche

1Un fonds conséquent contenant plus de 1 000 plans, coupes et élévations lui est consacré aux archives départementales d’Eure-et-Loir, sous la cote 11 Fi.
2Les informations relatives à son dossier individuel et au registre des matricules des élèves de la section d’architecture de l’École des Beaux-Arts sont compilés dans les bases de données en ligne de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) : https://agorha.inha.fr/ark:/54721/03c4adc8-9a3c-42ab-9727-fd30a1216869
3Biographie en ligne sur wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Vaillant
4Article relatif à la nécrologie de Jean-Pierre Esnault : https://www.lechorepublicain.fr/chateaudun-28200/loisirs/jean-pierre-esnault-architecte-a-chateaudun-est-decede-a-74-ans_14483041/
5MAILLARD, Florent (dir.), BILLAT, Hélène (dir.). Architectures du Perche. Lyon : Lieux-dits, 2018, p.151.
6Sens ancien du terme désignant une école maternelle.
7Conservé aux archives départementales d’Eure-et-Loir, série 11 Fi.
8Plans pour certains numérisés et classés en 11 Fi 90, pour d’autres en attente de numérisation, voire de restauration pour les calques, et conservés sous la cote 2 O 3237.
9Date portée sur l’édifice.
10Réception définitive du chantier signée par Émile Vaillant le 5 décembre 1885.
11Archives départementales d’Eure-et-Loir, 2 O 3237.
12Archives départementales d’Eure-et-Loir, 2 O 3236.

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