50 ans d’Inventaire général du patrimoine industriel et technique en Centre-Val de Loire

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Bien que la région Centre-Val de Loire ne soit pas, de prime abord, considérée comme un territoire d’industries, elle présente pourtant un riche patrimoine industriel et technique. Les professionnels de l’Inventaire général du patrimoine culturel – chercheurs, photographes, topographes – ont dès lors croisé régulièrement des objets d’étude issus de ce champ au cours de leurs enquêtes, y compris avant les années 1980 et l’émergence de ce nouveau champ patrimonial.

L’émergence de la notion de patrimoine industriel

Dans un ouvrage intitulé « Patrimoine industriel et technique : perspectives et retour sur 30 ans de politiques publiques au service des territoires »1 , Marina Gasnier expose le contexte d’émergence de la notion de patrimoine industriel et la manière dont ce sujet de recherche thématique a été pris en compte dans le cadre de la mission d’Inventaire général du patrimoine culturel. Elle rappelle notamment que cette notion apparaît dès les années 1960 dans le monde anglo-saxon. En France, dans les années 1970, des historiens des techniques, de l’économie et du social, de l’architecture moderne, ainsi que des ethnologues du monde du travail font émerger ce nouveau champ de recherche. Ainsi, en 1978, le comité d’information et de liaison pour l’archéologie, l’étude et la mise en valeur du patrimoine industriel (CILAC) est fondé. Fédérant différents acteurs de la recherche, cette association œuvre aujourd’hui encore à promouvoir l’étude, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine industriel dans ses dimensions matérielles et immatérielles. Parallèlement, on constate une évolution des mentalités du grand public sur les objets industriels en lien avec des polémiques largement relayées dans les médias, tel que celle relative à la destruction des halles de Baltard en 19722.

Dans la décennie suivante, l’État, notamment le ministère de la Culture et ses services déconcentrés (directions régionales des affaires culturelles), se saisit également du sujet. La cellule « patrimoine industriel » de ce que l’on nomme encore la sous-direction de l’Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France est ainsi créée en janvier 1983. Elle a pour but d’« agir en urgence pour la connaissance et la préservation d’un patrimoine encore invisible »3. Dès lors, une réflexion sur la méthode à mettre en œuvre est engagée et les services régionaux de l’Inventaire sont invités à s’intéresser à ce type de patrimoine dans le cadre des inventaires topographiques engagés à l’échelle d’un territoire cantonal. Une approche thématique liée plus largement au territoire régional dans son ensemble est également développée. Ainsi, les premières années, l’intérêt se porte en particulier sur les hauts-fourneaux et forges, les installations hydrauliques, puis la céramique industrielle (briqueteries, tuileries et céramiques) ou encore l’industrie minière, notamment avec l’aide d’associations ou d’érudits locaux.

Vue en 1988 de la halle à charbon de l’ancienne forge de Grossouvre, devenue une tuilerie (Grossouvre, Cher). © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Robert Malnoury

En 1986, de nouvelles réflexions sont engagées au sein de la cellule « patrimoine industriel » pour définir une méthode rapide d’inventaire de ce patrimoine. C’est ainsi que naît l’opération de repérage sur tout le territoire des sites et bâtiments industriels d’une part, et des machines et outils de production d’autre part. Des régions pilotes sont désignées à titre expérimental : Champagne-Ardenne, Basse-Normandie, Poitou-Charentes et Picardie4. L’exhaustivité était recherchée dans un cadre strict excluant, par exemple, les sites créés après 1950. Une grille spécifique visant à recueillir une information homogène quelque soit le type de site industriel repéré et la région concernée a également été conçue. En 1987, trois nouvelles régions sont intégrées à l’opération : Nord – Pas-de-Calais, Franche-Comté et Lorraine, puis trois autres en 1988 : Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Pays de la Loire.

L’inventaire du patrimoine industriel en Centre-Val de Loire

Si l’ouverture du champ patrimonial aux traces héritées de l’histoire industrielle dans les années 1980 a conduit à la définition d’une méthodologie spécifique à l’Inventaire général du patrimoine culturel, en Centre-Val de Loire comme dans les autres régions, on trouve des dossiers d’inventaire liés à des usines avant cette décennie. En effet, les études topographiques qui visent à recenser le patrimoine architectural et mobilier d’un territoire et à en sélectionner des éléments représentatifs ou emblématiques pour les étudier, a conduit dès les années 1960 à s’intéresser à certaines usines. En Centre-Val de Loire où le service régional de l’Inventaire voit le jour en 1972, on trouve à titre d’exemple plus de 150 images relatives à des sites industriels de type tuileries ou briqueteries réalisées dans les années 1970.

C’est en 1983-1984 qu’est confiée à un chercheur, Patrick Léon, entre autres missions, celle de procéder à un inventaire du patrimoine industriel en Centre-Val de Loire. Il a ainsi conduit un important travail de recherche dans les différents fonds d’archives de la Région, ainsi que de nombreuses opérations de repérage sur le terrain. Cette entreprise nous permet aujourd’hui de bénéficier d’un important fonds photographique, riche de plus de 6 000 images. Les résultats de ces travaux sont pour partie consultables en ligne sur notre photothèque5 et pour partie accessibles en se déplaçant au centre de documentation de l’Inventaire général du patrimoine culturel de la Région Centre-Val de Loire à Orléans.

Essai de restitution du four avant abandon, tuileries de Vouvray (Indre-et-Loire) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Jacques Thomas.

Ce chercheur du service régional de l’Inventaire a également pu s’appuyer sur des acteurs régionaux, notamment des érudits et associations. Ainsi, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, un important travail de recensement des tuileries et briqueteries d’Indre-et-Loire a été mené par le Colonel Thomas. Plus de 1 000 images et 168 notices ont ainsi été produites. Dans le Val d’Aubois (Cher), les travaux menés par Patrick Léon dès la fin des années 1980 ont permis de révéler un riche patrimoine industriel sur un territoire désormais largement agricole. Ils ont abouti à des protections au titre des monuments historiques à la fin des années 1990. On peut par exemple citer la halle à charbon de Grossouvre, devenue aujourd’hui l’Espace Métal ouvert à la visite, et l’immeuble de logements ouvriers en dépendant. Le Pays d’art et d’histoire Loire-Val d’Aubois contribue aujourd’hui, aux côtés d’associations telles qu’Aubois de terres et de feux, à valoriser tout ce patrimoine au sein de son centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) de la Tuilerie avec l’appui de la Région Centre-Val de Loire qui a notamment contribué au financement des travaux du CIAP.

Plus récemment, le service régional de l’Inventaire en partenariat avec l’université de Tours a financé une bourse de recherche d’un doctorant, Aymeric Fassier, entre 2017 et 2021. Son travail a permis de conduire une recherche sur les usines de chaux du territoire et de localiser au sein d’un système d’information géographiques des architectures liées à l’industrie dans le Val d’Aubois (usines de différentes natures, mais aussi logements). Enfin, en lien avec le travail de ce doctorant et le projet de recherche Vivamemori soutenu financièrement par la Région Centre-Val de Loire, une opération de recueil de la mémoire ouvrière du territoire a été récemment conduit par des chercheurs des universités de Tours et Orléans, Céline Assegond et Laurent Aucher. Il permet de mettre en lumière le patrimoine immatériel lié au riche passé industriel de notre région.

Vue d’ensemble de la cimenterie Calcia depuis le sud-est, rive droite du canal latéral à la Loire (Beffes, Cher) © Région Centre-Val de Loire, Inventaire général, Thierry Cantalupo

Florence Cornilleau, chercheure au service Patrimoine et Inventaire de la Région Centre-Val de Loire

1 GASNIER Marina. Patrimoine industriel et technique : perspectives et retour sur 30 ans de politiques publiques au service des territoires. Lyon : Lieux dits éd., 2011, 304 p.
2 Ces halles dessinées par l’architecte Victor Baltard et construites en fonte et verre entre 1852 et 1978 dans le quartier éponyme, accueillaient, avant la construction du marché d’intérêt national de Rungis, les marchés de gros décrits par Émile Zola dans Le Ventre de Paris (1873).
3 Ibid., p.43.
4 Ibid., p.55.
5 Après avoir sélectionné la base « Images de la Région Centre-Val de Loire », sélectionner la fonction « Recherche assistée » à gauche de l’écran, puis inscrire « patrimoine industriel » dans le champ « Nom de l’étude », enfin cliquer sur « Valider ». Seules les 500 premières réponses seront accessibles. Il convient ensuite d’affiner par type d’édifices et/ou localisations.

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